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La démographie dans le conflit
israélo-palestinien
Commentaire,
n° 104, hiver 2003-2004, p. 941-951
Sergio DellaPergola
Michel Louis Lévy
La présence des Juifs en Palestine, région du Proche-Orient qu’ils nomment
Erets Israel et les Chrétiens Terre Sainte, ne s’est jamais
démentie depuis l’Antiquité, non plus que leur aspiration, aussi dispersés
fussent-ils dans les mondes babylonien, chrétien et musulman, à y rétablir
leur souveraineté. Quand Bonaparte, dont les connaissances bibliques sont
celles de tout enfant des Lumières, conquiert l’Égypte et investit la
Palestine, il joue de ce sentiment :
Proclamation à la nation Juive
1er floréal, an VII de la République Française (20 avril 1799)
Bonaparte, commandant en chef des armées de la République Française
en Afrique et en Asie, aux héritiers légitimes de la Palestine :
Israélites, nation unique que les conquêtes et la tyrannie
ont pu, pendant des milliers d'années, priver de leur terre ancestrale, mais
ni de leur nom, ni de leur existence nationale […]
La Providence m'a envoyé ici avec une jeune armée, guidée par
la justice et accompagnée par la victoire. Mon quartier général est à
Jérusalem et dans quelques jours je serai à Damas, dont la proximité n'est
plus à craindre pour la ville de David.
Héritiers légitimes de la Palestine ! La Grande Nation qui ne
trafique pas les hommes et les pays selon la façon de ceux qui ont vendu vos
ancêtres à tous les peuples (Joël 4.6) ne vous appelle pas à
conquérir votre patrimoine. Non, elle vous demande de prendre seulement ce
qu'elle a déjà conquis avec son appui et son autorisation de rester maître
de cette terre et de la garder malgré tous les adversaires. […]
Montrez que deux mille ans d'esclavage n'ont pas réussi à
étouffer ce courage. Hâtez-vous! C'est le moment qui ne reviendra peut-être
pas d'ici mille ans, de réclamer la restauration de vos droits civils, de
votre place parmi les peuples du monde. Vous avez le droit à une existence
politique en tant que nation parmi les autres nations. Vous avez le droit
d'adorer librement le Seigneur selon votre religion (Joël 4.20).
Le Moniteur Universel de Paris, le 22 mai, s’enflamme : "Bonaparte
a publié une proclamation par laquelle il invite tous les Juifs de l'Asie et
de l'Afrique à se ranger sous sa bannière en vue de rétablir l'ancienne
Jérusalem. Il a déjà armé un grand nombre, et leurs bataillons menacent
Alep." On sait que les pestiférés de Jaffa et la flotte anglaise firent
échouer l’affaire devant Saint-Jean d’Acre.
Le retour à Sion
A l’époque, il n’y a guère en Palestine que 7 000 Juifs et 22 000 Chrétiens
orientaux sur une population d’environ 275 000 habitants (),
artisans, boutiquiers, paysans et pêcheurs arabes sous la coupe de
propriétaires et fonctionnaires turcs ottomans. Au long du XIX° siècle, le
jeu des puissances européennes et le développement des nationalismes font du
Proche-Orient un pôle stratégique et un carrefour commercial, à l’intérêt
accru par le percement du Canal de Suez (1869). De nombreux courants
migratoires y convergent, dont celui des premiers pionniers “ sionistes ”,
qui, chassés par les pogroms russes et soutenus par de riches
philanthropes occidentaux, défrichent les marécages de la plaine côtière et
en éradiquent la malaria. Tandis que l’Affaire Dreyfus suscite la vocation
du journaliste viennois Theodor Herzl, auteur visionnaire de L’État des
Juifs (Der Judenstaat, 1896), le nombre des Juifs de Palestine
dépasse progressivement celui des Chrétiens. A la veille de la guerre de
1914, sur près de 700 000 habitants, il n’y pas loin de 100 000 Juifs
(tableau 1).
Tableau 1. Population de la Palestine géographique 1800 –2000 (milliers)
Année
|
Juifs |
Chrétiens |
Musulmans |
Total
a |
1800 |
7 |
22 |
246 |
275 |
1890 |
43 |
57 |
432 |
532 |
1914 |
94 |
70 |
525 |
689 |
1922 |
84 |
71 |
589 |
752 |
1931 |
175 |
89 |
760 |
1 033 |
1947 |
630 |
143 |
1 181 |
1 970 |
1960 |
1 911 |
85 |
1 090 |
3 111 |
1967 |
2 374 |
102 |
1 204 |
3 716 |
1975 |
2 959 |
116 |
1 447 |
4 568 |
1985 |
3 517 |
149 |
2 166 |
5 908 |
1995 |
4 522 |
191 |
3 241 |
8 112 |
2000 |
4 969 |
217 |
3 891 |
9 310 |
a) Y compris “autres” : Druzes, autres
petites minorités religieuses, et depuis 1990, originaires de l’ex-URSS.
Non compris les travailleurs étrangers temporaires ou irréguliers.
La guerre précipite la chute de l’Empire ottoman. L’armée anglaise d’Allenby
occupe Gaza et Jérusalem. Le 2 novembre 1917, le gouvernement anglais publie
la “ Déclaration Balfour ” : “ Le gouvernement de Sa Majesté envisage
favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le
peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de
cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse
porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non
juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les
Juifs jouissent dans tout autre pays. ”
En 1922, la Société des
Nations confie l’administration de la Palestine (“ Mandat ”) à la
Grande-Bretagne, la France étant chargée, elle, de la Syrie et du Liban. Les
convulsions politiques en Europe, consécutives à la dislocation des Empires
russe, austro-hongrois, allemand et ottoman, vont bientôt s’exacerber avec
la montée des régimes fascistes et antisémites, qui débouche sur l’absurde
et criminelle entreprise hitlérienne de persécution, d’expulsion, et
finalement d’extermination des Juifs d’Europe, dont bon nombre s’enfuient,
vers la France, les États-Unis, l’Amérique latine, …et la Palestine. De 1919
à 1948 le nombre total d’immigrants est de l’ordre de 450 000, dont un tiers
venus essentiellement de Pologne dans les années 1934-1936. Combinée à la
modernité de l’administration britannique, cette immigration impulse un vif
progrès économique, agricole et sanitaire qui a pour effet de stimuler
l'emploi arabe ainsi que l'immigration des pays voisins : le peuple
palestinien se constitue surtout d’Égyptiens, de Syro-libanais, d’Irakiens,
etc., tout comme la population parisienne est faite surtout de provinciaux
et d’étrangers. Mais une opposition arabe, souvent violente, s’affirme et
obtient de l’administration britannique plusieurs limitations successives de
l’immigration juive légale, ce qui ne fait que développer l’immigration
juive clandestine.
De 1941 à 1945, la Shoah
fait 6 millions de morts et une infinité de traumatismes physiques,
psychologiques et familiaux. En 1947, sur une population d'environ 2
millions d’habitants, il y a en Palestine près de 1,2 millions de Musulmans
(60%), environ 650.000 Juifs (32%) et environ 150.000 Chrétiens (7%).
Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations Unies approuve
la résolution 181, qui partage le territoire de l'ancien Mandat britannique
sur la Palestine pour y établir un État juif sur 55 % du territoire et un
État arabe sur le reste. Des dispositions particulières concernent la région
de Jérusalem et Bethléem. La partie juive accepte ce partage territorial que
les États arabes rejettent. L’État d’Israël est proclamé le 14 mai 1948.
Guerre et armistices
Les armées égyptienne, syrienne, irakienne et
transjordanienne envahissent alors la Palestine et déclenchent la guerre
d’indépendance d’Israël, qui dure 13 mois. La Hagana (Défense, en
hébreu), armée juive officieuse, devenue Tsahal (acronyme hébreu de
l’expression “ armée de défense d’Israël ”) après l’absorption des milices
de partisans (Stern, Irgoun…), riposte victorieusement et élargit
sensiblement le territoire attribué par le partage. Les lignes d’armistice
(accords de Rhodes, février et avril 1949) reconnaissent au nouvel Etat un
territoire de 20 792 km2, au lieu des 16 114 km2 du Plan des Nations Unies :
de la plaine côtière, Israël s’étend dans le Néguev (Désert du Sud)
jusqu'à la Mer Rouge, à l’Est vers Jérusalem, la Mer Morte et le Jourdain,
au Nord vers la Galilée et les frontières du Liban et de Syrie. L'Egypte
garde la Bande de Gaza ; la Transjordanie se voit attribuer la Judée et la
Samarie bibliques, région dénommée par symétrie Cisjordanie (en anglais
West Bank, Rive occidentale [du Jourdain]). La plus grande partie de
Jérusalem, y compris la Vieille Ville, est comprise dans ce territoire qui
devient la Jordanie, tout court.
Plus de la moitié de la population arabe, 625 à
675 000 personnes selon les sources israéliennes, 700 à 800 000 selon les
sources palestiniennes, quittent leurs villages et se réfugient pour
l’essentiel en Cis- et en Transjordanie, dans la bande de Gaza et au Liban.
Environ 155 000 restent dans le territoire de l’État d’Israël. Selon les
Israéliens, leur fuite a été le plus souvent volontaire, encouragée par les
dirigeants arabes et perçue comme provisoire, dans le cadre d'une guerre
dont Israël n'a pas pris l’initiative. Selon les Palestiniens, c’est un
exode provoqué et prémédité par l’armée israélienne. Un partage pacifique
aurait certainement prévu des déplacements de population négociés mais aussi
des accords d’établissement, précisant le statut et garantissant la sécurité
tant des Arabes restant en Israël que des Juifs restant en Cisjordanie et à
Gaza.
Cela ne se fit pas, cela ne s’est pas encore fait et
n’est toujours pas en vue. Les armistices de 1949 ne font que constater le
problème des réfugiés palestiniens , administrés par l’UNRWA (United
Nations Relief and Works Agency for Palestine refugees in the Near East).
Mais tandis que le HCR, Haut Commissariat pour les Réfugiés, a pour mission
de soulager les multiples drames individuels causés par toutes sortes de
conflits de par le monde, l’UNRWA est en attente de la solution,
indéfiniment reportée, d’un problème politique, collectif pour le monde
arabe, qu’Israël espère diviser en autant de problèmes qu’il y a de pays
arabes souverains..
Quant aux réfugiés qui peuplent Israël après l’Indépendance, ils ne viennent
plus majoritairement d’Europe mais affluent d’Égypte, d’Irak, du
Yémen, de Turquie, d’Iran, puis du Maroc, de Tunisie
et d’autres pays arabes ou musulmans agités
par la décolonisation et le nationalisme. L’antisionisme musulman remplace
ainsi l’antisémitisme chrétien comme moteur du peuplement d’Israël. Le Maroc
devient le deuxième pays de provenance des Israéliens, après la Pologne.
Alors que les immigrants ashkénazes étaient attachés à un certain
socialisme que symbolisaient les villages collectifs, les kibboutzim,
ces nouveaux immigrants sefarades vont plutôt alimenter une droite
populiste qui dénonce la discrimination dont ils seraient victimes de la
part des premiers arrivés.
On n’a pas fini d’avoir à
déplorer la disparition presque totale des communautés juives des pays
arabes et musulmans. La prospérité de communautés juives en terre d’Islam
avait été un élément du rayonnement de celui-ci dans le Haut Moyen Âge et
les souverains musulmans les plus avisés ont toujours compris les bienfaits
que les Juifs apportaient à leurs pays. Leur retour confiant, comme celui
des Occidentaux, serait un signe de l’accès du monde arabe et musulman à la
modernité bien meilleur que l’hostilité systématique à Israël et au projet
sioniste. Sans doute faudrait-il que celui-ci restreigne ses ambitions à une
souveraineté juive dans la partie de la Palestine devenue Israël et à une
présence juive paisible dans l’autre. Toujours est-il que la création de
l’État d’Israël a transformé en “ Juifs israéliens ” ceux qu’on désignait
jusque là comme “ Juifs palestiniens ”, par opposition aux “ Juifs de la
Diaspora ”. L’appellation de “ Palestiniens ” a été réservée aux Arabes de
Palestine, musulmans ou chrétiens mais non juifs, résidents ou exilés,
réfugiés ou non. On parle cependant des “ Arabes israéliens ”, citoyens du
nouvel État qui n’en partagent pas les valeurs sionistes, ayant le droit de
vote mais non les obligations militaires.
Le conflit israélo-arabe
En novembre 1956, la France
et l’Angleterre alliées à Israël montent l’expédition de Suez contre
l’Égypte panarabe de Nasser, qui a nationalisé le Canal de Suez et barré la
route du pétrole, et qui donne asile tant aux fedayn (combattants)
qui harcèlent Israël qu’aux chefs de l’insurrection algérienne, déclenchée
deux ans plus tôt. Les Etats-Unis, en pleine réélection du Président
Eisenhower, et l’URSS de Boulganine et Khrouchtchev, qui fait face à la
révolte de Budapest, froncent les sourcils et l’affaire tourne au fiasco.
L’antique communauté juive d’Égypte, accusée de collusion avec les trois
pays agresseurs, est alors expulsée et s’éparpille dans ces trois pays,
Israël, France et Angleterre, ainsi qu’en Italie, aux États-Unis, en
Amérique latine… Chaque crise qui sépare ceux qui partent en Israël et ceux
qui partent en Occident renforce la solidarité entre les Juifs d’Israël et
ceux de la Diaspora, et à l’inverse affaiblit la distinction entre
antisionisme et antisémitisme.
En 1962, les Juifs d’Algérie
choisissent en majorité de s’installer en Métropole, ce qui modifie
profondément la sociologie de la communauté juive française. Jusque là
composée d’ “ Israélites ” intégrés dans la laïcité française et réservés à
l’égard de l’entreprise sioniste, malgré la persécution subie pendant le
régime de Vichy, elle accueille de nombreux “ Pieds-Noirs ” qui accordent à
Israël un soutien actif. Or en 1967, le Général de Gaulle, profitant du
règlement du problème algérien pour rétablir une traditionnelle “ politique
arabe ”, concurrente naguère des Anglais, désormais des Américains, décrète
à l’encontre d’Israël l’embargo sur les armes, à la veille de la guerre
des Six jours. Ce retournement d’alliances jette l’État juif dans les
bras des États-Unis, au moment où il se rend maître de la Vieille Ville de
Jérusalem, donnant corps, au son du chofar, à un rêve millénaire qui
retentit profondément dans les âmes juives du monde entier. Un peu plus
tard, la célèbre phrase gaullienne sur “ le peuple d’élite, sûr de lui et
dominateur ” prend ce sentiment à revers et donne une teinture antisémite à
une politique qui se veut désormais “ équilibrée ” entre Arabes et
Israéliens. Quelque 150 000 nouveaux réfugiés fuient la Cisjordanie et la
Galilée. L’Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.), se
crée en 1964 et se fait connaître par de spectaculaires détournements
d’avions et attentats (Jeux Olympiques de Munich, 1972). Mais Israël, qui
occupe la Cisjordanie, Gaza et le Sinaï, apparaît désormais comme une
puissance militariste et expansionniste et commence à perdre la sympathie
que lui avait acquise en Occident son image de petit pays où les victimes de
la Shoah retrouvaient un foyer et où de hardis pionniers faisaient
reverdir le désert.
L’Égypte retourne aussi ses alliances. Sous la
conduite d’Anouar El Sadate, elle rompt avec les Soviétiques et se tourne
vers les États-Unis. Puis en octobre 1973, le jour de Kippour,
l’armée égyptienne franchit le Canal de Suez et bouscule les défenses
israéliennes. Une terrible bataille de chars s'engage avec l’armée syrienne
qui a ouvert un second front sur le plateau du Golan. Les pays arabes et
musulmans producteurs de pétrole (OPEP), de leur côté, font pression sur
l’Occident en en restreignant la production, d’où un envol des prix. C’est
le premier choc pétrolier. Un nouvel armistice est conclu avec la
Syrie. Mais Sadate, satisfait d’avoir rétabli l’honneur de son armée,
entreprend une visite historique à Jérusalem (novembre 1977) et signe, après
les négociations de Camp David sous l’égide du Président Carter, un traité
de paix avec Israël (1979) qui rend le Sinaï à l’Egypte. Mais ce traité ne
règle en rien la question palestinienne et reste mal compris de l’opinion
arabe. Le jour d’octobre 1981 où il fête le huitième anniversaire de sa
victoire, Sadate est assassiné.
En 1982, les harcèlements continus sur la frontière
nord entraînent Israël à de nouvelles représailles au Liban. Tsahal
campe alors à Beyrouth et en expulse l’O.L.P. qui se réfugie à Tunis, avec
l’aide active de la France. Les massacres des camps palestiniens de Sabra et
Chatila, perpétrés par les milices chrétiennes libanaises sous les yeux de
l’armée israélienne, soulèvent alors la réprobation internationale et
jettent l’opprobre sur le ministre Ariel Sharon, organisateur de
l’offensive.
En 1987, les Palestiniens déclenchent un premier
soulèvement populaire (Intifada). Mais l’attention du monde est
accaparée par la dislocation de l’Union soviétique, symbolisée par la chute
du mur de Berlin (9 novembre 1989), qui bouleverse l’équilibre
géostratégique mondial et a, entre autres conséquences, celle de provoquer
un nouvel afflux migratoire en Israël. Entre 1989 et 1996, près de 700 000
personnes émigrèrent de Russie et des autres Républiques soviétiques en
Israël où ils constituent désormais le groupe national le plus important du
pays. Au total, de la création de l’État à fin 2001, l’immigration juive
aura totalisé 2 950 000 personnes (cf. figure 1).
FIGURE 1. Immigrés juifs vers Israël, 1919-2001
Nombres absolus et taux pour 1000 résidents
Pendant la guerre du Golfe (janvier-février 1991),
l’Irak de Saddam Hussein lance une série de missiles “ Scud ” sur Israël,
qui n’est pas belligérant. Peu après, une négociation secrète s’engage à
Oslo et aboutit, le 13 septembre 1993, à Washington, sous l’égide du
Président Bill Clinton, à la reconnaissance mutuelle de l’État d’Israël,
représenté par son Premier Ministre Itzhak Rabin, et de l’ “Autorité
palestinienne ”, représentée par son Président Yasser Arafat. L’année
suivante, Israël signe la paix avec la Jordanie, qui a renoncé à toute
souveraineté sur la Cisjordanie. Mais Rabin est à son tour assassiné, par un
extrémiste juif, le 4 novembre 1995. Partisans (Peres, Barak) et adversaires
des négociations (Netanyahu, Sharon) alternent alors au pouvoir à Jérusalem
tandis que les Palestiniens déclenchent en septembre 2000 une deuxième
Intifada, ponctuée d’attentats-suicides meurtriers contre la population
civile en Israël même.
Deux peuples, deux diasporas
Pendant la courte période d’espoir qui suivit les
accords d’Oslo, les bâtisseurs de la paix mesurèrent l’immense difficulté de
leur entreprise, mais aussi les atouts dont ils disposaient, par exemple de
bonnes statistiques démographiques, plus complètes évidemment pour les
Israéliens, mais convenables pour les Palestiniens, grâce à l’UNRWA, à
l’O.L.P. et à l’Autorité palestinienne, qui allait organiser un recensement
en 1999. Le temps manqua pour mieux comprendre puis pour réduire les
fantasmes réciproques, démographie galopante des Palestiniens, inépuisable
solidarité de la Diaspora juive, notamment américaine. Il faudra bien
cependant analyser par exemple les mouvements migratoires des Arabes
palestiniens, distinguer Musulmans et Chrétiens, paysans et professions
intellectuelles, et faire comprendre ce qu’a d’ambivalent l’“ occupation ”
israélienne, certes cause de douloureux exodes mais aussi source d’emplois
multiples et de promotion sociale. Ainsi pendant les années 60, environ
140 000 Palestiniens ont émigré de Cisjordanie (alors en Jordanie). De 1967
à 1989, jusqu'à 200 000 ouvriers palestiniens frontaliers travaillaient en
Israël mais c’est essentiellement vers les États du Golfe que s’est dirigée
l’émigration palestinienne : 171 000 de Cisjordanie, 114 000 de Gaza. Après
la guerre du Golfe, environ 30.000 Palestiniens sont revenus, et de nouveau
30 000, après les accords d'Oslo, pour les besoins de la police et de
l'Autorité palestiniennes.
TABLEAU 2. JUIFS ET ARABES EN ISRAËL - PALESTINE,
2000
Région |
Nombres (milliers) |
|
|
Pourcentage |
|
|
Juifs |
Arabes |
Total |
|
Juifs |
Arabes |
Total |
Total
général |
5 180,6 |
4 213,7 |
9 394,3 |
|
55,1
|
44,9 |
100,0
|
Total
Israël |
4 982,4 |
1 188,7 |
6 171,1 |
|
80,7
|
19,3 |
100,0
|
Frontières d’avant 1967 |
4 794,6 |
965,3 |
5 759,9 |
|
83,2 |
16,8 |
100,0 |
Districts à majorité juive |
4 608,4 |
355,6 |
4 964,0 |
|
92,8
|
7,2 |
100,0
|
Districts à majorité arabe |
186,2 |
609,7 |
795,9 |
|
23,4
|
76,6 |
100,0
|
Frontières d’après 1967 |
187,8 |
223,4 |
411,2 |
|
45,7 |
54,3 |
100,0 |
Hauteurs du Golan |
15,8 |
19,0 |
34,8 |
|
45,4
|
54,6 |
100,0
|
Jérusalem-Est |
172,0 |
204,4 |
376,4 |
|
45,7
|
54,3 |
100,0
|
Total
Territoires palestiniens |
198,2 |
3 025,0 |
3 223,2 |
|
6,1
|
93,9 |
100,0
|
Cisjordanie |
191,5 |
1 878,0 |
2 214,5 |
|
8,6
|
91,4 |
100,0
|
Gaza |
6,7 |
1 147,0 |
1 153,7 |
|
0,6
|
99,4 |
100,0
|
Avec l’Intifada de 1987, les restrictions mises aux
déplacements des Palestiniens ont réduit progressivement l’emploi frontalier
et provoqué un important déclin des revenus et des niveaux de vie
palestiniens. Après un rétablissement partiel liés aux accords d’Oslo,
l’Intifada de 2000 a réduit à presque rien les échanges israélo-palestiniens
de main-d’œuvre. Cherchant une main d'œuvre de remplacement, l'économie
israélienne a engagé un nombre croissant de travailleurs immigrés ni juifs
ni arabes (Roumains, Philippins…) à la situation souvent précaire. En 2000,
leur nombre est estimé à environ 250 000. Cette situation est évidemment
absurde, alors qu’à quelques pas de là, s’entassent à Gaza des centaines de
milliers de chômeurs, qui ne demandent qu’à travailler.
Les 200 000 résidents juifs des Territoires
palestiniens représentent 9% de la population en Cisjordanie et moins de 1%
à Gaza. Soumis à une insécurité permanente, ils sont le plus souvent
astreints à une protection militaire, ce qui les fait dénoncer par les
Palestiniens comme des “ occupants ” et par l’opinion occidentale comme des
“ colons ”.
Juifs et Palestiniens dans le monde
En 1948, la population juive
mondiale était estimée ()
à 11,2 millions, dont seulement 650.000 (6%) habitaient en Palestine, et
945 000 (8%) dans le monde musulman du Proche-Orient et d’Afrique du Nord.
La grande majorité (86%) habitait l’URSS, l’Europe, Est et Ouest,
l’Amérique, Nord et Sud. L'indépendance d’Israël a bouleversé cette
répartition géographique, par les migrations qu’elle a déterminées et aussi
par les changements apportés à la dialectique entre affirmation juive et
assimilation. La population juive mondiale s'est développée plutôt lentement
depuis la Deuxième guerre mondiale, et depuis le milieu des années 70, la
croissance de cette population est à peu près nulle. En 2000, sur un total
d’environ 13,2 millions de Juifs, 4,9 millions (37%) vivraient en Israël,
seulement 28 000 dans les pays musulmans et le reste (63%) en Amérique du
Nord et en Europe ().
Compétition démographique
L’accroissement naturel
relatif des populations palestinienne et israélienne a toujours constitué
une préoccupation importante et un sujet inépuisable de débats pour les
Israéliens, de toute façon plongés dans un environnement exclusivement arabe
et soucieux que l’État juif au moins soit à majorité juive. La rapidité de
cet accroissement naturel est lié à la combinaison unique au monde de trois
facteurs : traditions religieuses soutenant une sorte de compétition
démographique, croissance économique et santé publique moderne.
La fécondité de la
population musulmane d’Israël-Palestine, a été supérieure à 10 enfants par
femme jusqu’aux années 60. Elle a diminué progressivement jusqu’au milieu
des années 80, et est restée stable au long des quinze années suivantes.
Elle est encore de 5,5 enfants par femme à la fin des années 1990. Ce
processus de baisse de la fécondité est commun à la majorité des pays
musulmans, y compris l’Iran islamiste, mais la Palestine garde une
“ fécondité de combat ” ()
nettement supérieure à la moyenne des populations de développement
comparable. De son côté, l’indice de fécondité des Juifs israéliens était
supérieur à 4 enfants par femme en 1951 et s’est abaissé au milieu des
années 90 à 2,6, mais reste nettement supérieur à celui de tout autre pays
développé. Tant chez les Juifs que chez les Arabes existe une variabilité
considérable de fécondité entre les sous-groupes. Chez les Juifs sécularisés
d’Israël et chez les Arabes chrétiens, la fécondité est voisine de 2 enfants
par femme, au dessus des normes occidentales. Mais chez les Juifs
ultra-orthodoxes, tout comme à Gaza, elle dépasse 7 enfants par femme ().
La politique familiale
israélienne est modérément nataliste : elle inclut des allocations
mère-enfant, des équipements publics éducatifs de qualité et des
réglementations assez favorables aux femmes qui travaillent. Elle s’applique
à toute la population israélienne sans discrimination. Par exemple une loi
récente (2000) accorde des allocations familiales fortement accrues pour le
5ème enfant et au-dessus. Environ 40% des avantages de cette disposition
vont aux familles des nouveaux nés arabes israéliens, alors que ces Arabes
israéliens constituent seulement environ 20% de la population israélienne
(hors Territoires palestiniens). Il est vrai cependant que les subventions
publiques à l'éducation et au logement sont accordées à des communautés et
non à des individus, et que les équilibres politiques israéliens conduisent
à favoriser en ce sens les groupes juifs religieux les plus favorables à une
forte fécondité. Les faveurs éducatives et financières données à la minorité
de Haredi ()
peuvent passer pour une forme indirecte d’encouragement à la natalité
juive.
La relativement grande
fécondité des populations d’Israël et des Territoires palestiniens détermine
leur relativement grande “ jeunesse ” et, hélas, l’implication des
adolescents et des jeunes gens dans l’engrenage des attentats et de la
répression. A peine le quart de la population actuelle d’Israël - Palestine
était née lors de la guerre de juin 1967. En d'autres termes, plus de trois
quarts des acteurs et spectateurs du conflit actuel n'étaient pas des
témoins directs d'un de ses développements les plus décisifs. Comme la
population plus nombreuse en Israël est compensée par la proportion de
jeunes plus grande dans les Territoires palestiniens, le nombre des Juifs et
des Palestiniens âgés de 15 à 24 ans, les combattants de l’Intifada
et de Tsahal, sont d’effectifs comparables, de l’ordre de 800 à
900 000 jeunes hommes et femmes.
La médecine juive, qui a de tous temps été de grande
réputation, crée un des environnements sanitaires les meilleurs du monde,
qui profite tant aux Juifs qu’aux Arabes. En Israël, l'espérance de vie à la
naissance de la population juive a augmenté de façon comparable à celle des
pays occidentaux. Les Arabes israéliens ont suivi le mouvement, commençant à
un niveau beaucoup plus bas mais comblant significativement leur écart. Leur
taux de mortalité infantile est plus bas que dans tous les pays arabes
contemporains, à l'exception possible du Koweït. Et l'amélioration de la
santé des Arabes des Territoires palestiniens a été également significative
après 1967, bien que plus lente. Il y a aujourd’hui de plus petits écarts
entre les Juifs et les Arabes en Israël qu'entre les Arabes en Israël et
dans les Territoires palestiniens : vers 1998, en Israël, l’espérance de vie
à la naissance des Juifs d’Israël était 76,3 ans pour les hommes et 80,2 ans
pour les femmes ; pour les Arabes, 74,2 ans pour les hommes, 77,4 ans pour
les femmes ; en Cisjordanie, 71,4 ans pour les hommes et 75,5 ans pour les
femmes ; et dans la bande de Gaza 70,4 ans et 73,4 ans.
Densité et projections
L’État d’Israël couvre 21 671 km2 de
territoire (plus 474 km2 de lacs), y compris 1 154 km2
des hauteurs du Golan syrien, et environ 73 km2 des environs de
Jérusalem qu’il a incorporés en juillet 1967. Les Territoires
palestiniens incluent la Cisjordanie, 5506 km2, et la bande
de Gaza, 378 km2, soit au total 5884 km2
. À la fin de 2000, la population totale de
l’ensemble Israël - Palestine est estimée à 9,3 millions d’habitants,
environ 5 millions de Juifs (53%), près de 3,9 millions de Musulmans (42%),
et seulement 200 000 (2%) Chrétiens. Sur ce total, la population totale
d’Israël - comprenant les résidents juifs des Territoires palestiniens –
s’élève à environ 6 350 000 habitants, dont 4 970 000 Juifs, 200 000
Non-juifs, et 1 178 000 Arabes, la plupart musulmans mais également
chrétiens et druzes. Les Territoires palestiniens ont 3 millions
d’habitants, 1 845 000 en Cisjordanie et 1 128 000 dans la bande de Gaza.
Une population totale de 9,3 millions d’habitants
rapportée à 28 000 km2, cela fait pour l’ensemble
Israël-Palestine une densité moyenne voisine de 335 hab/ km2. L’État
d’Israël a une densité moyenne de l’ordre de 300 hab/ km2,
intermédiaire entre celles du Japon et du Royaume-Uni. Par districts, les
densités vont d’un maximum de 6 887 hab/ km2 pour l’agglomération
du Grand Tel Aviv, à un minimum de 37 hab/ km2 pour le district
de Beersheva, formé de l’essentiel du désert du Neguev (Sud), qui
représente environ 60% du territoire d’Israël. La densité d’Israël sans le
district de Beersheva est de 640 hab/ km2. La Cisjordanie a une
densité un peu plus élevée que la moyenne nationale israélienne, 335 hab/ km2.
Dans la bande de Gaza où vivent 1,1 million de personnes, la densité est
proche de 3 000 hab/ km2, de l’ordre de celle de villes-états
comme Hong Kong ou Singapour, dont le niveau de développement
socio-économique est sans commune mesure. Il y a à Gaza un immense
déséquilibre entre la population et l'infrastructure urbaine disponible,
pire que celui des banlieues des grandes agglomérations du monde en
développement, à commencer par celle du Caire, et porté ici à son comble
par le déficit d’emplois et la tension militaire.
Les projections présentées
dans la communication citée dans la note (1) sont faites sous une hypothèse
de migrations nulles, tant entre l’ensemble Israël-Palestine et l’extérieur,
qu’entre les différentes zones d’Israël-Palestine, et sous une hypothèse
d’évolution favorable de la mortalité : l’espérance de vie des populations
juive et arabe continue de s’accroître, conformément aux tendances récentes,
d’environ un an toutes les cinq années civiles. Seule la fécondité fait
l’objet d’hypothèses variées : dans l’hypothèse “ médiane ”, la fécondité
des Juifs reste au niveau de 2,6 enfants par femme constaté en 2000, celle
des Arabes part à cette date des niveaux de 4,0 en Israël, 5,4 en
Cisjordanie et 7,4 à Gaza pour converger en 2050 vers celui des Juifs, 2,6
enfants par femme. Dans l’hypothèse “ haute ”, la fécondité des Palestiniens
reste aux niveaux élevés constatés en 2000 dans les trois zones, dans
l’hypothèse “ basse ” elle s’abaisse instantanément à 2,6 enfants par femme.
La population de départ est
en 2000 (tableau 3) de 9,3 millions d’habitants, dont 6,3 millions en Israël
()
et 3,0 millions dans les Territoires palestiniens, ou encore 5,2 millions de
Juifs ()
et 4,1 millions d’Arabes. Selon la projection médiane (),
elle atteindrait en 2020 les 14,4 millions d’habitants, avec une fourchette
basse – haute allant de 12,1 à 15,6 millions : 8,7 en Israël (8,2 – 9,0) et
5,7 millions dans les Territoires palestiniens (4,0 – 6,6) ; ou encore 6,7
millions de Juifs (6,3 – 6,9) et 7,7 millions d’Arabes (5,8 – 8,7).
En 2050, ces chiffres
passeraient à un total de 23,5 millions, la fourchette s’élargissant à 15,4
– 36,5 millions : 11,9 en Israël (9,4 – 14,8) et 11,6 millions dans les
Territoires palestiniens (6,0 – 21,7) ; ou encore 8,8 millions de Juifs (7,3
– 10,4) et 14,7 millions d’Arabes (8,1 – 26,1). Certains de ces chiffres
défient l’imagination, particulièrement ceux des scénarios extrèmes de 2050.
Il peut paraître aussi peu vraisemblable de voir la fécondité arabe se
maintenir indéfiniment aux niveaux actuels que de la voir s’abaisser
instantanément à des niveaux proches de la fécondité juive. Le scénario
“ médian ” paraît plus vraisemblable.
TABLEAU 3. PROJECTION des POPULATIONS JUIVE
ET ARABE EN ISRAËL - PALESTINE, 2000 – 2020 – 2050 (millions)
Année
et
projection |
Juifs (*) |
Arabes
israéliens |
Total
Israël |
Total
Territoires
palestiniens |
Total
Palestiniens |
Grand
Total |
|
(a) |
(b) |
(c)=(a)+(b) |
(d) |
(e)=(b)+(d) |
(f)=(c)+(d) |
|
|
|
|
|
|
(f)=(a)+(e) |
2000 |
|
|
|
|
|
|
Haute |
5,201 |
1,185 |
6,386 |
3,024 |
4,209 |
9,410 |
Médiane |
5,168 |
1,178 |
6,346 |
2,973 |
4,151 |
9,319 |
Basse |
5,135 |
1,171 |
6,306 |
2,696 |
3,867 |
9,002 |
2020 |
|
|
|
|
|
|
Haute |
6,902 |
2,092 |
8,994 |
6,570 |
8,662 |
15,564 |
Médiane |
6,697 |
1,976 |
8,673 |
5,680 |
7,656 |
14,353 |
Basse |
6,296 |
1,855 |
8,151 |
3,975 |
5,830 |
12,126 |
2050 |
|
|
|
|
|
|
Haute |
10,391 |
4,419 |
14,810 |
21,655 |
26,074 |
36,465 |
Médiane |
8,780 |
3,121 |
11,901 |
11,560 |
14,681 |
23,461 |
Basse |
7,323 |
2,065 |
9,388 |
6,019 |
8,084 |
15,407 |
(*) y compris membres non-juifs
des ménages juifs, cas fréquent chez les immigrés de l’ex-Union Soviétique
Dans ce scénario,
la densité de Gaza, déjà voisine de 3000 hab/ km2 en 2000,
atteindrait 6200 hab/ km2 en 2020, pour ne pas parler
d’une densité de 13 600 hab/ km2 en 2050, qui s’approcherait de
la densité actuelle de Paris, voisine de 20 000 hab/ km2. Quant à
l’équilibre Juifs / Arabes, il est clair qu’il n’y a que dans le cadre
territorial du seul État d’Israël que la majorité juive est fermement
établie, au moins jusqu'au milieu du 21ème siècle. La minorité
arabe israélienne pourrait alors atteindre les 30%, ce qui se compare avec
la minorité turque à Chypre ou albanaise en Macédoine. En revanche pour
l’ensemble Israël plus Territoires palestiniens où la majorité juive se
limite en 2000 à 53 ou 55%, selon la définition de la population juive,
cette courte majorité pourrait basculer vers 2010. Et en 2050, la part des
Juifs serait revenue à 35-37%, comme au début des années 1930, pendant le
Mandat britannique.
Ce sont évidemment les
migrations qui pourraient changer la donne. A chaque contingent admis de
réfugiés de Jordanie ou du Liban, la proportion de Juifs dans la population
totale d’Israël et de Palestine diminuerait. S’agissant de l’immigration
juive, le tarissement des bassins traditionnels d'émigration implique une
diminution probable du volume de migration en Israël pendant les prochaines
décennies et un ralentissement de la croissance de la population juive en
Israël. Mais toute crise économique ou politique significative des sociétés
qui accueillent les grandes communautés juives, toute complaisance à l’égard
de l’insécurité y compris antisémite, peuvent faire reprendre à tout moment
l’émigration juive vers Israël.
Aujourd’hui, face à
l’implantation d’habitants israéliens dans les Territoires, mais surtout
face à l’insécurité, un flux non négligeable de Palestiniens, surtout
chrétiens, s’installent chaque année en Jordanie ou émigrent en Amérique.
Inversement, le recours au terrorisme contre des civils a clairement pour
objectif de démoraliser les Israéliens et de les pousser à l’émigration vers
l’Europe et les États-Unis. L’hébreu nomme aliya, “ montée ”,
l’émigration vers Erets Israel. L’inverse est la yerida, la
"descente", l’émigration hors d'Israël. Le nombre d'Israéliens désireux de
quitter le pays, en principe pour faire carrière, quelquefois pour se mettre
à l'abri, n’est certes jamais nul : on estime à 15% la proportion moyenne
d’immigrants qui, sur le long terme, renoncent à s’établir en Israël ().
La complaisance entretenue pour le terrorisme alimente la suspicion
israélienne que les Palestiniens gardent l’espoir d’aggraver leur suprématie
démographique par une augmentation sensible de ces départs.
Si la paix règne...
Il faudra bien un jour admettre qu’il puisse y avoir
des habitants juifs en Cisjordanie et à Gaza, de nationalité israélienne,
palestinienne ou autre, comme il y a des habitants arabes en Israël. Une
fois qu’aurait été négocié l’arrêt du terrorisme contre le retrait des
Territoires palestiniens de l’armée israélienne, qu’aurait été permise une
certaine osmose des populations, en particulier à Jérusalem, qu’aurait été
proclamé un État palestinien faisant régner la loi et l’ordre, une structure
économique nouvelle, financée par les États-Unis, l’Union Européenne et les
pays arabes et musulmans producteurs de pétrole, pourrait succéder à l’UNRWA
et être chargée
- de
proposer aux réfugiés palestiniens un choix
raisonnable entre le “ retour ” en Palestine, de préférence à Israël,
l’intégration dans leur pays d’accueil ou un nouveau départ dans les pays
où vit déjà une diaspora palestinienne,
- de
donner les moyens de son développement durable à la Palestine, avec l’aide
d’Israël, et des questions d'intérêt commun aux deux peuples comme
l’approvisionnement en eau potable, les réseaux de transports et de
communications, l’équipement urbain, la protection de l’environnement...
Si la paix règne, les
questions des frontières et de Jérusalem perdent de leur acuité. La
complexité de la situation tient aux intérêts enchevêtrés des nombreuses
parties en présence. Le rapport des Israéliens avec les Juifs de la Diaspora
ne sont pas seulement intellectuels, financiers ou familiaux, ils sont
fondamentalement migratoires. De même les rapports des pays d’Europe et
d’Amérique avec les pays arabes et musulmans ne sont pas faits seulement de
commerce ou de pétrole, ils sont faits de millions de migrants venus
chercher en Occident instruction et travail. Si les premiers veulent bien
admettre que le sionisme pose problème aux seconds, alors ceux-ci doivent
admettre que l’islamisme pose problème aux premiers.
A l’équilibre entre deux
États, israélien et palestinien, garantissant la sécurité et les droits de
tous leurs habitants, y compris les minorités arabe en Israël et juive en
Palestine, doivent donc répondre
-
d’une part un équilibre des pays arabes et
musulmans, incluant la Palestine, consacrant leurs ressources et leur ardeur à leur propre
développement, ouverts à la coopération internationale et à la
compréhension inter-religieuse, luttant contre les menées islamistes
internes et externes,
-
d’autre part un
équilibre entre un État d’Israël, ayant vocation à servir de refuge aux
éventuelles victimes de nouvelles crises antisémites, et une Diaspora
apaisée, travaillant à la prospérité des pays, y compris les proches
voisins d’Israël, qu’elle a toujours enrichis de ses capacités.
Nous avons commencé par
Bonaparte citant le prophète Joël. Itzhak Rabin, lui, le 13 septembre 1993 à
Washington, citait l’Ecclésiaste (3, 1 à 8) :
Il y a un moment pour tout
et un temps pour toute chose sous le ciel.
Un temps pour enfanter, un temps pour mourir ; un
temps pour planter, un temps pour arracher.
Un temps pour tuer, un temps pour guérir; un temps
pour détruire, un temps pour bâtir.
Un temps pour lancer des pierres, un temps pour
en poser ; un temps pour l’effusion, un temps pour l’abstinence. […]
Un temps pour aimer, un temps pour haïr ; un
temps pour la guerre, un temps pour la paix.
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